OSTABAT



A l'écart des grands axes routiers actuels, le petit village d'Ostabat-Aymes vit paisiblement dans la campagne bas-navarraise. Pourtant, nous savons tous qu'il fut, au cours de l'histoire, une étape importante sur les chemins de compostelle.

La petite cité d'Izura (c'est son nom primitif en basque) doit sans doute son origine à un ancien site de peuplement, mais c'est le Camino qui imposera son nom. Le latin 'Hostavallem' du Pèlerin de Compostelle, provient sans doute de la traduction du basque 'hozta-ibar' (vallée de (H)ozta) contractée en Osta-bat.
On le trouvera sous le nom de 'Ostebad' dans le cartulaire de Sorde en 1167 et de 'Aussebat' dans les rôles gascons de 1243, mais également d'Ostavaill-Ostabailles en 1469.
Sont dérivés d' Ostabat les termes actuels d'Ostabarret et en basque Oztibarre pour parler de la vallée ( dénommmée autrefois vallée de Hozta).

Située sur la voie romaine de Bordeaux (Burdigala) à Astorga passant par Dax, Garris, St-Jean-Pied-de-Port, Roncevaux et Pampelune , Ostabat fut un lieu de passage important et les besoins de ravitaillement des armées en campagne contribuèrent au développement local de l'agriculture et des habitations .
Plus tard, naturellement, les pèlerins de Compostelle utilisèrent cette ancienne voie tracée.
On note dans l'histoire d'Ostabat, beaucoup plus tard, que le 17e et dernier des Rois Basques Sanche le Fort (Santxo VII Azkarra), 1194-1234 vint avec une armée abattre les murailles édifiées par le Seigneur de Luxe (Mixe) qui affiévait toutes les maisons du village.
Par lettre datée d'Olite le 19 Septembre 1237, THIBAUT I, roi de Navarre, confirma le privilège accordé le 4 Novembre 1220 aux habitants d'Ostabat d'aller faire moudre aux moulins royaux de St-Jean-Pied-de-Port.
Charles II, dit le Mauvais, grand ami du Seigneur Pees de Laxague concéda à Ostabat le droit de tenir marché.

Les guerres d'annexion d'Isabelle la Catholique menée sur la Navarre dans les années 1510-1530 aboutiront à la scission de la Navarre en 1512.
En 1515, Ostabat a la capacité juridique, c'est-à-dire le droit de déléguer aux Etats. Il perdra ce droit au XVIe mais il conservera l'autorisation de tenir marché et foire.
En 1523, Ostabat fut incendié par les Espagnols.

Puis vinrent les guerres de religion. L'évangélisation progressive des Basques avait été assurée à la fois par la monarchie navarraise et par le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Sous la gérance de la Navarre par Jeanne d'Albret , pratiquante de la religion réformée, de nombreux 'ministres du culte' furent chargés de promouvoir le culte réformé. Ainsi fut nommé, en son temps, Tardets (1579)et peut-être à cette époque il y eut un édifice religieux, peut-être préexistant, utilisé comme temple protestant .

Finalement,Jeanne d'Albret fut assez libérale avec les Basques,conseillant même à ses 'ministres du culte' de ne pas forcer leur talent, de crainte qu'ils ne croient plus en rien.
Les grandes familles nobles elles-mêmes étaient divisées. Les Gramont et Beisunce pour la Réforme avec Jeanne d'Albret. Charles de Luxe et les seigneurs d'Echauz, Armendaritz et Domezain étaient eux à la tête des catholiques.

Comme dans toutes les régions où les deux communautés religieuses étaient implantées, la confrontation forcée de ces 2 courants de pensée eut un effet dévastateur pendant la période des guerres de religion. Il y eut beaucoup de victimes et de destructions .
Quand les guerres de religion furent apaisées, Henri IV rendit justice à Ostabat dans ses fameuses 'lettres patentes' où il écrivait : 'qu 'avant le brûlement par les Espagnols en 1523 qui la laissait toute pauvre et ruinée, elle avait été la 'principale ville de Commerce et de passage de son Royaume Navarrais'. En foi de quoi, il lui concédait une foire annuelle et le droit d'édifier une halle destinée à un marché bimensuel.

OSTABAT Carrefour des Chemins de Compostelle



On doit au Codex, le Liber Sancti Jacobi, le tracé du fameux chemin de Saint Jacques au Moyen-Age, et dans le chapitre premier consacré aux chemins de Saint-jacques, la mention d'Ostabat.
CAPITULUMI . - [DE VIIS SANCTI JACOBI] . Quatuor vie sunt que ad Sanctum Jacobum tendentes, in unum ad Pontem Régine, in horis Yspanie , coadunantur ; alia per Sanctum Egidium et Montem Pessulanum et Thosolam et Portus Asperi tendit ; alia per Sanctam || Mariam Podii et Sanctam Fidem de Conquis et Sanctum Petrum de Moyssaco incedit ; alia per Sanctam Mariam Magdalenam Viziliaci et Sanctum Leonardum Lemovicensem et urbem Petragoricensem pergit ; alia per Sanctum Martinum Turonensem et Sanctum Ylarium Pictavensem et Sanctum Johannem Angeliacensem et Sanctum Eutropium Sanctonensem et urbem Burdegalensem vadit. Illa que per Sanctam || Fidem, et alia que per Sanctum Leonardum, et alia que per Sanctum Martinum tendit, ad Hostavallam coadunantur et, transito portu Cisere. ad Pontem Regine sociantur vie que per Portus Asperi transit, et una via exinde usque ad Sanctum Jacobum efficitur.
la stèle de Gibraltar symbolise le point de rencontre des chemins


traduit par Jeanne Vieillard en

CHAPITRE PREMIER
LES CHEMINS DE SAINT-JACQUES.
Il y a quatre routes qui, menant à Saint-Jacques, se réunissent en une seule à Puente la Reina , en territoire espagnol ; l'une passe par Saint-Gilles [du Gard], Montpellier, Toulouse et le Somport ; une autre par Notre-Dame du Puy , Sainte-Foy de Conques et Saint-Pierre de Moissac; une autre traverse Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay, Saint-Léonard en Limousin et la ville de Périgueux ; une autre encore passe par Saint-Martin de Tours, Saint-Hilaire de Poitiers, Saint-Jean d'Angély, Saint-Eutrope de Saintes et la ville de Bordeaux.
La route qui passe par Sainte-Foy , celle qui traverse Saint-Léonard et celle qui passe par Saint-Martin se réunissent à Ostabat et après avoir franchi le col de Cize, elles rejoignent à Puente la Reina celle qui traverse le Somport ; de là un seul chemin conduit à Saint-Jacques.

Il est à noter que plusieurs érudits contestent la traduction de 'ad Hostavallam' en 'à Ostabat', estimant que le 'ad' utilisé à un sens de 'à proximité','aux approches de ', 'vers' et qu'il convient de traduire par les termes se réunissaient 'à proximité d'Ostabat,de même que plus loin, il fallait lire 'à proximité de Puente la reina'.

Dans le Chapitre 7 consacré aux contrées et au caractère de ses habitants, l'auteur se plaint entre autre, du péage d'Ostabat.
Nous citons.

CAPITULUM VII - DE NOMINIBUS TERRARUM ET QUALITATIBUS GENCIUM QUE IN YTINERE SANCTI JACOBI HABENTUR. ... In hac terran,mali portageri habentur - scilicet circa Portus Cisereos, villa que dicitur Hostavalla et villa Sancti Johannis et Sancti Michaelis Pedis Portuum Cisere - qui penitus dampnantur....

traduit en

CHAPITRE VII NOMS DES CONTREES QUE TRAVERSE LE CHEMIN DE SAINT-JACQUES ET CARACTERES DE LEURS HABITANTS

...Dans ce pays, il y a de mauvais péagers , à savoir auprès des ports de Cize, dans le bourg appelé Ostabat, à Saint-Jean et Saint-Michel Pied de Port; ils sont franchement à envoyer au diable ....

Ce cours extrait nous rappelle qu'à Ostabat, étape du chemin de saint-Jacques, outre les fonctions d'accueil qu'on y exerçait, se trouvait un des péages des routes de Navarre. La fréquentation des routes de l'époque, était comme celle des autoroutes de nos jours. il fallait payer, et au contenu de l'article, l'auteur était un mauvais payeur....

OSTABAT Ville étape des Chemins de Compostelle


La façon dont est construit Ostabat, bâtie sur un plan urbain régulier, nous fait penser qu'elle fut construite comme une bastide qui dut avoir un rôle capital et stratégique sur une des routes du royaume de Navarre. Elle fut donc adapté aux nécessités du chemin de St-Jacques qui y passait depuis le Xe siècle.

On a essayé de s'intéresser à l'importance d'Ostabat à cette époque-là, en essayant de retrouver à partir d'archives les inscriptions fiscales de l'époque. Difficile de savoir, vu qu'echappaient aux impots ecclésiastiques, maisons féodales et châteaux ...mais il est certain qu'il fallait du monde pour accueillir, nourrir, les pèlerins de passage, justifier la présence de nombreux artisans et corps de métiers (meuniers, tourneurs, forgerons, tonneliers, etc...), de plusieurs notaires, de plus de 20 Hôtelleries ; il en fallait aussi, laïcs et religieux, pour assurer un bon service dans les deux hôpitaux (Ospitalia) et dans les 3 Eglises ou Chapelles du secteur, sans oublier le Prieuré de St-Nicolas d'Haranbeltz .


A Ostabat, il y avait donc les chapelles et églises St-Georges, à la Basse-Ville (lrizola),St-Antoine et Sainte-Catherine à l'arrivée du chemin d'Harambeltz au sortir de la forêt d'Ostabat.

Sa fonction hospitalière s'exerçait dans le quartier bas de la ville sur la lisière est, le quartier d'Irizola. Les maisons gardent les noms qu'elles avaient à l'époque du pèlerinage : la maison Belainia (maison du pèlerin) et la maison Pausuteguia (maison du repos) ; la maison Mandoua (la maison des mulets) devait être une ancienne écurie. Et les deux maisons Ospitalia (l'hôpital) et Ospitalzaharre (le vieil hôpital) qui se touchent, se situent à un endroit où l afflux des pèlerins devait atteindre sa plus forte densité Dans une rue montante, l'Erretorania était l'ancien presbytère
En 1364, on y dénombrait quatorze hôtelleries en plus des ospitalia ouvertes aux pèlerins pauvres. On a retenu les noms de leurs enseignes : l'Ange, le Cheval Blanc, les Esches, l'Epée ,le Lion, le Roi, la Chance, la Fleur de Lys, saint Eloi, saint Georges, etc.. Dans les écrits gascons, on retrouvera mention de l'Ostau de la Crotz, l'Ostau do moliner, Lo Cabat blanch, La CIau, l'Ostau dou Capeyt auz demore Musto, l'Ostau de Sudur, l'Ostau do Beteyt, l'Ostau de la Hutche, Xartaha (en basque la poële, en gascon la padère) , lo Barril etc..




De l'Ostabat médiéval il ne reste rien aujourd'hui. Toutes les maisons anciennes actuelles portent des dates du XVIIe au XIXe siècle.
Il faut remarquer le pittoresque linteau de l'une d'elles sur la petite place qui coupe la rue descendante, au sud du bourg : on y trouve avec le nom du propriétaire diverses figures symboliques dont des volailles et un cheval qui laissent penser que là était une des quatorze auberges logeant, à pied et à cheval, marchands et riches voyageurs.


Merci de votre attention

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