Les chemins de Saint Jacques en Haut Aragon

 

Le Haut Aragon et le Chemin Santiago.

Nous reportons ci-dessous la traduction de l'article de manuel P Benito Molinier dans le bulletin de Amigos del Serrablo de juin 1994, l'article : El alto-Aragon y el Camino de Santiago Serrablo n°91 de juin 1994

et qui nous présente les 3 chemins de saint jacques (habituel) de l'ARAGON qu'il dénomme :


- le Vieux chemin Huesca - Lérida
- le Camino Ancestral 
- le chemin officiel ( historique disent certains, la Via Tolosana pour d'autres) , celui du Somport

  

Voir document de base :Sabiñanigo y los Caminos de Santiago Serrablo n°91 juin 1994

Manuel P Benito Moliner

La présence aragonaise sur le chemin Santiago, avait été durant ces dernières années simplement testimoniale. Ont commencé maintenant à être diffusées quelques recherches qui commencent à mettre à leur place l'importance d'Aragon sur le chemin et vice versa. Mythes comme celui du Saint Grial, San Urbez, Sainte Elena ou Sainte Orosia.

Invocations comme celle propre de l'Apôtre, et autres français : Saint Aventín, Saint Martial et Saint Mamès ; d'autres de tradition galicienne : Sainte Marine ou Sainte Eufemia.

Monastères : Sainte Cristina de Somport. San Pedro de Rava (Ayerbe de Broto) et Siresa, San Adrián de Sasau, San Urbez de la Gorge, San Jacobo de Ruesta, San Juan de la Peña et de Maltray (Ruesta)...

Mouvements artistiques comme le jaqués roman. La christianisation des hautes terres. Routes. Hôpitaux. Légendes. Toponymes.

Tout ceci est le fruit de l'influence du Chemin dans le nord d'Aragon,  méritant un peu plus que ces deux pages, que, jusqu'à présent  les livres, manuels et guides jacquaires, lui consacrent. 

Dans cet article nous allons essayer d'ébaucher les deux routes plus importantes :

- celle qui est ancestrale et celle qui est officielle ainsi que les chemins accessoires ou auxiliaires qui convergeaient vers ces derniers.

Pour cela ,il faut enfreindre deux concepts préalables, 

Le premier c'est qu'en Aragon,  on n'y a  pas  seulement accédé par le Chemin officiel du Somport. Ce passage a été le plus important pendant le bas Âge Moyen, mais avant,  il en existait d'autres. 

Deuxièmement, les routes actuelles ne sont pas les vieux chemins élargis et goudronnées. Parfois ils coïncident, dans les hautes vallées où les chemins longent la rivière dans des défilés et où l'orographie n'a jamais permis surtout d'autres possibilités.

Ceci vu, voyons les Chemins:

1. le vieux chemin Huesca-Lérida

et sa prolongation par aussi la Voie Romaine Barcelone- Pampelune. De Lérida sortait la vieille et très connue route qui depuis Tarragone arrivait à ces terres.

Il passait par Mousson et son sanctuaire de la Vierge la Joie, de Somontano de Barbastro, contiguïtés de Berbegal, Pertusa,hôpital et pont de Pueyo Fañanás, ermitage de Salles et de Huesca. 

De Huesca partait une branche qui par Chimillas était unie au chemin de Barcelone à Pampelune. Ils restent les  numéraux de Sixième (Esquedas) et Octura (Château d'Otura). Près d'Alerre, Lupiñén, Ortilla et Montmesa, on atteignait Cinco Villas en passant par Erla , termes de Luna et Ejea, Biote, termes d'Uncastíllo et Sádaba, Layana, Castíliscar, Sos et Sangüesa, but atteint par  toutes les routes jacquaires du nord d'Aragon.

Celle-ci est une route abondamment romanisée où nous trouvons d'abondants  témoignages  jacquaires. 

 

2. le chemin ancestral.

Nous l'appelons ainsi pour constater qu'il existait comme route religieuse avant la découverte de la tombe de Saint Jacques.

Il partait de Benasque, là où arrivaient les pèlerins partis depuis le monastère français de Saint Bertrand de Comminges. Trois accès ont été progressivement utilisés :


- le Port Vell ou port Vieux,
- le Portillon de la Glère
- et le Portillon de Benasque.

Il redescend vers Eriste, en laissant Anciles sur la rive gauche du Rio Esera, il passe par le sanctuaire de Guayente et après avoir traversé Sahún, remonte le port de même nom  pour pénétrer en Sobrarbe.

Il redescend ici par l'ermitage de San Mamès,passe parmi les villages de la Vallée de Xistau, sortant à  Salinas

Il parcourt le hameau de San Martial, le Pas du Congosta de Dévotas, Lafortunada, Badín et monte à Tella, en laissant des hameaux de nom évocateur : Arinzué, Lamiana et Estaronillo. Il traverse le rio Yaga et visite Bestué, passe laborieusement les couches calcaires des Sestrales pour nous laisser dans la vallée de Vio,  au Molino de Aso.

 Des fonds de Sercué il passe à Nerín et de là à Ceresuela pour entrer dans la Solana. Il redescend parmi des invocations et des légendes jacquaires, pour entrer dans la Ribera de Ara, par San Mamès de Asín de Broto. Avant de remonter de l'autre coté de la Cuenca de Ara, s'unit à lui, le chemin de Bujaruelo qui descendait par la vallée de Broto. 

Le chemin montait à Sobrepuerto par le monastère de San Pedro de Rava, de Bergua et Basaran. 

Entre ce village et Javierre del Opisto se trouve le monastère de San Urbez. Il faut indiquer que par cette route on a transféré  jusqu'à San Juan de la Peña, le corps de San Indalecio, actuellement dans la Cathédrale de Jaca.

Nous arrivons ainsi à Oturia -"oro dans les hauteurs" -. on a ici gardé le Grial apporté, selon la légende, par San Acisclo dans un cortège dans lequel figurait aussi Sainte Orosia. Tous les deux sont morts  des mains du méchant "du Fils le Loup" Aben Lupo. 

Sainte Orosia est un mythe osirísiaque, présent dans les cultures classiques méditerranéennes (Osiris, Tammuz, Adonis et Attis), qui se sanctifia au cours de l' époque médiévale. La même chose s'est produite avec San Urbez,  observons  comme dans ces mythes toujours est présente la racine OR, d'or, perfection. Ce saint est un chemin : BEZ (en vascón) de perfection (OR) et unit Bordeaux avec Aragon et la Galice à travers la Route mythique l'Étain ou la route de la Tenazere.

 D'Oturia nous passons à Isún, Sardas et à Sabiñánigo. Avant de repartir pour Jaca , s' unit ici le chemin de la Vallée de Tena,"la ruta Jacobea du Alto Gallego " qui venait depuis le Portalet, passant à Biescas par le défilé de Sainte Elena. Cette sainte est autre mythe en relation avec les Parcas ou Moiras qui tissaient la vie à l'entrée des grottes. 

De Sabiñánigo par le Val Estrecha ou le val Ancha, le San Jacobo d'Orante, Navasa, Ulle et Barós, nous nous approchons de Jaca.

 

3. le Chemin Officiel.

Descente depuis le Somport, où se trouvait l'important monastère de Sainte Cristina, jusqu'à Jaca par Canfranc, Villanua, Aruej et Castiello. De Jaca il sort par le pont de San Miguel vers Banaguás, Abay et Somanés. Ici se trouve un curieux Monte Canet, évocation de Can Menor, et un village dépeuplé à ses pieds appelé curieusement de San Chaime.

De l'autre côté de la rio Aragon , on peut aller de Jaca à San Juan de la Peña par Atarès et Sta Cruz de la Serós.

De Santa Cilia on arrivait à Astorito, fin d'étape selon un guide médiéval de pèlerins. Astorito se nomme aujourd'hui Puente la Reina, toponyme prêté par Navarre. A proximité, les chemins des Vallées Ansó, ECHO et d'Aragüés se réunissaient. Ainsi que les chemins qui venaient de Jaca, de Huesca et allaient vers Pampelune, comme maintenant.

 De Puente la Reina ( de Jaca) se séparaient  deux routes, mènant toutes deux à Sangüesa.

- Une allait par la rive droite de la rivière Aragon : Berdún, Aso Veral, Miramont, Sigüés, Escó et Tiermas.

- L'autre par la gauche : Arrés, Martes, Mianos, Artieda, Ruesta et Undués de Lerda.

 

Dans ces  routes apparaissent avec insistance des allusions aux étoiles, accompagnées souvent par un dolmen : Dolmen de Estos,  Dolmen de Tella, dolmen de Lizara (en basque étoile), Paco de Tella (en arrivant à Oturia), et les cités Monte Canet, Astorito, Estaronillo, etc.

 La référence à l'or comme symbole perfection et recherche à travers des chemins jalonnés d'ermitages, est constante : Urbez, Oturia, Orosia, Oroel, Orante. La légende du Saint Grial se développe complètement dans des routes jacobeas altoaragonesas : San Lorenzo l'apporte de Rome à Loreto, de là  San Acisclo  le porte à Oturia (Yebra), fuyant le maure. Il passe à Siresa, puis à San Adrián de Sasau, Jaca et San Juan de la Peña. Jusqu'à ce que le caprice du roi le transfère définitivement à Valence.

 Dans toutes ces routes nous rencontrons des ermitages à l'Apôtre,  beaucoup oubliées, et diverses croyances et légendes apportées par des pèlerins, qui ont donné lieu à des festivités (San Martial en Benasque), à des invocations, à plusieurs toponymes, etc.

En récapitulant, nous devons dire que l'on redécouvre actuellement le Chemin de Santiago en Aragon , après être resté dans l'anonymat le plus complet. Toutefois, sa marque est tellement ancienne et importante, qu'il est encore possible de reconstruire ses sentiers. Et d'autant plus que maintenant  les gens retrouvent à nouveau le goût de  ce qui est authentique

Si des internautes éclairés décèllent des contresens ou phrases mal traduites, veuillez me le signaler.